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La chaîne des Maghrebides

La chaîne alpine d’Afrique du Nord ou chaîne des Maghrébides fait partie de l’orogène alpin péri-méditerranéen (Durand-Delga, 1969) d’âge Tertiaire qui s’étend de l’Ouest à l’Est sur 2000 km depuis l’Espagne du Sud à l’arc calabro-sicilien (figure 1).

Dans ce domaine en forme d’anneau très aplati, on distingue classiquement les zones internes, situées à l’intérieur de l’anneau et représentées aujourd’hui par différents massifs, dispersés le long de la côte méditerranéenne et les zones externes situées à sa périphérie.

Le domaine de la chaîne des Maghrébides a connu des phases de déformations méso-cénozoïques aboutissant à la mise en place de nappes de charriages. C’est le domaine des nappes ou domaine allochtone.

En Algérie, la chaîne des Maghrébides montre du nord au sud les domaines suivants (figure 2) :

1. un domaine interne :

Appelé aussi socle kabyle ou Kabylide, est composé de massifs cristallophylliens métamorphiques (gneiss, marbres, amphibolites, micaschistes et schistes) et d’un ensemble sédimentaire paléozoïque (Ordovicien à Carbonifère) peu métamorphique. Ce socle affleure d’ouest en est dans les massifs du Chenoua (à l’ouest d’Alger), d’Alger, de Grande Kabylie et de Petite Kabylie (entre Jijel et Skikda). Ce dernier, avec 120 km de long et 30 km de large, constitue le plus large affleurement du socle kabyle en Algérie. Le socle est par endroits recouvert en discordance par des dépôts détritiques (principalement des molasses conglomératiques) d’âge Oligocène supérieur–Miocène inférieur, appelés Oligo-Miocène Kabyle. Les massifs internes des Maghrébides ont donc constitué une zone haute de la fin du Paléozoïque à l’Oligocène supérieur. Le socle kabyle est bordé au sud par les unités mésozoïques et cénozoïques de la Dorsale Kabyle appelée parfois « chaîne calcaire » à cause de l’importance du Jurassique inférieur calcaire. Ce domaine est exceptionnellement étroit et ne dépasse jamais quelques km de largeur. Le premier affleurement de la dorsale kabyle en Algérie est situé au cap Ténès. On la retrouve ensuite dans le massif du Chenoua puis au Sud Est d’Alger où elle constitue d’importants reliefs sur plus de 125 km de long (massifs de Larba, du Bou Zegza et du Djurdjura). Elle apparaît ensuite au Nord de Constantine (Dj. Sidi Dris) et on la suit sur 90 km jusqu’au Sud d’Annaba (Zit Emba). La dorsale kabyle se présente sous forme d’écailles d’âge permo-triasiques à Eocène moyen (Lutétien). Du point de vue lithologique, ces formations comprennent des calcaires du Lias et de l’Eocène, des dolomies du Trias au Lias inférieur et des grès du Permo-Trias. La dorsale kabyle a été subdivisée du Nord au Sud en trois unités qui se différencient par le faciès et l’épaisseur des calcaires : dorsale interne, médiane et externe. En général, les faciès traduisent des conditions de sédimentation de plus en plus profondes lorsque l’on passe des formations de la dorsale interne (dépôts littoraux ou épicontinentaux) à celles de la dorsale médiane (dépôts marneux et plus profonds du Crétacé à l’Eocène) puis aux formations de la dorsale externe (qui montrent souvent des radiolarites au Dogger-Malm) (Bouillin, 1986). Du coté sud, un contact anormal sépare la Dorsale kabyle du domaine des flyschs. Les formations du domaine interne chevauchent le domaine des flyschs et le domaine externe tellien.

Figure 1: L'orogène alpin péri-méditerranéen (d'après Durand-Delga, 1969)
Figure 1: L'orogène alpin péri-méditerranéen (d'après Durand-Delga, 1969)

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Figure 2: Rapports structuraux entre les différentes unités de la chaine des Maghrébides
Figure 2: Rapports structuraux entre les différentes unités de la chaine des Maghrébides

2. le domaine des flyschs :

Est constitué par des nappes de flyschs crétacés-paléogènes qui affleurent dans les zones littorales sur 800 km de long, entre Mostaganem et Bizerte (Tunisie). Il s’agit essentiellement de dépôts de mer profonde mis en place par des courants de turbidités. Ces flyschs se présentent de trois manières : (i) en position interne, superposés aux massifs kabyles, c’est-à-dire rétrocharriées sur les zones internes, et appelés flyschs nord-kabyles ; (ii) en position relativement externe à la bordure sud de la Dorsale kabyle (flyschs sud-kabyle) et enfin (iii) en position très externe, sous forme de masse isolées flottant sur le Tell charriées jusqu’à une centaine de kilomètres au sud.

Figure 3: Position des nappes de flyschs par rapport aux unités de la chaine des Maghrébides
Figure 3: Position des nappes de flyschs par rapport aux unités de la chaine des Maghrébides

On distingue du Nord au Sud deux grands groupes de flyschs, les flyschs maurétaniens et les flyschs massyliens auxquels s’ajoutent un troisième groupe de flyschs plus récent, les flyschs numidiens d’âge Oligocène supérieur – Burdigalien inférieur.

2.1. les flyschs maurétaniens :

Sont relativement épais et occupent une position interne dans le domaine des flyschs. Ils sont composés d’alternances de bancs argileux, calcaires et gréseux. La série débute pas des radiolarites rouges du Dogger-Malm et se termine par des niveaux conglomératiques du Paléocène.

2.2. les flyschs massyliens :

Occupent une position externe dans le domaine des flyschs et comportent une série pélito-quartzitique d’âge Crétacé inférieur surmontée par une série pélito-micro-bréchique d’âge Crétacé supérieur.

2.3. les flyschs numidiens :

Constitués de niveaux gréseux d’âge Oligocène terminal–Aquitanien épais de plusieurs centaine de mètres qui reposent sur des argilites versicolores oligocènes. Ces flyschs reposent anormalement à la fois sur les zones internes et sur les zones externes.

3. un domaine externe :

Ou domaine tellien constitué par un ensemble de nappes allochtones pelliculaires constituées principalement de marnes d’âge Crétacé moyen à Néogène et qui ont été charriées sur une centaine de km vers le Sud. On distingue du Nord au Sud : (i) les nappes ultra-telliennes, aux formations bathyales du Crétacé et de l’Eocène et une série plus détritique au Sénonien et a l’Eocène, ne sont connues que dans l’Est algérien et en Tunisie. Elles présentent des caractères proches de ceux du flysch massylien. (ii) les nappes telliennes sensu-stricto formées de Lias de plate-forme surmonté de Jurassique plus marneux, puis par le Crétacé qui, détritique, devient marneux a argilo-calcaire et enfin, l’Eocène aux marnes épaisses et les (iii) nappes péni-telliennes dont les séries néritiques du Crétacé à l’Oligocène sont carbonatées et marneuses. Les nappes péni-telliennes, définies dans l’Est algérien, présentent des caractères proches de ceux du néritique constantinois. Dans le domaine externe existe des unités encore plus externes et d’allochtonie notable, mais moindre, structurées au Miocène moyen qu’on appelle séries de l’avant-pays allochtone ou tellien et se placent entre les nappes telliens au Nord et l’autochtone ou para-autochtone atlasique au Sud. On distingue ainsi d’ouest en est : (i) l’ensemble allochtone sud-sétifien (séries des Djebels Guergour, Anini, Zdimm, Youssef, Braou, Tnoutit, Sékirine, Tafourer, Agmérouel, Zana, Azraouat, Hammam, Ain el Ahdjar, Koudiat Tella et série supérieure du Djebel Kalaoun) à matériel carbonaté et marneux du Jurassique au Miocène, et qui apparaît plus à l’ouest dans la fenêtre des Azerou dans la région des Biban. Il se présente sous la forme d’un vaste empilement d’écailles limité par des accidents cisaillant (ii) la « nappe néritique constantinoise », à matériel carbonaté épais et massif du Jurassique–Crétacé, et, plus au sud, (iii) l’unité des « écailles des Sellaoua », dont le Crétacé possède des faciès de bassin.

La figure 4 montre un exemple d’agencement des différents domaines et unités cités précédemment en Algérie (exemple du Constantinois, Algérie nord-orientale).

Figure 4: Coupe générale synthétique des Maghrébides de l'Est algérien (région du Constantinois)
Figure 4: Coupe générale synthétique des Maghrébides de l'Est algérien (région du Constantinois)

On admet aujourd’hui que le domaine interne de la chaîne des Maghrébides faisait autrefois partie d’un micro-continent ou terrane appelé AlKaPeCa (pour Alboran, Kabylies, Paloritain et Calabre qui sont les différents massifs internes de l’orogène péri-méditerranéen) qui était situé beaucoup plus au Nord et appartenait à la marge européenne. La dorsale kabyle constituait la marge méridionale et le talus continental de ce bloc. Les flyschs se sont déposés dans le bassin océanique profond qui séparait la marge européenne (ou le bloc AlKaPeCa) et la marge africaine. Les flyschs maurétaniens se sont déposés au pied de la dorsale kabyle et sont alimentés par les zones internes. Les flyschs massyliens se sont déposés au pied de la marge africaine et sont alimentés par les zones externes. Certains flyschs, tels ceux de Ziane ou de Tamalous présentent des caractères mixtes où s’intriquent verticalement tous les faciès caractéristiques de l’une ou l’autre des deux séries de flyschs, ce qui indique qu’ils se sont probablement déposés dans une zone de milieu de bassin, recevant aussi bien du matériel d’origine méridionale que d’origine septentrionale. Les nappes telliennes correspondent à la couverture sédimentaire qui s’est déposée sur la marge nord de la plaque africaine (figure 5).

Les deux domaines externe et interne se sont affrontés suite au rapprochement des plaques africaine et européenne. Ceci a conduit à la fermeture du bassin des flyschs, et celle du sillon tellien, l’écaillage de la dorsale kabyle et le déplacement des flyschs et des unités telliennes en nappes pelliculaires loin vers le sud (figures 6 et 7).

Figure 5: Reconstitution paléogéographique des différents domaines des Maghrébides du Crétacé inférieur 
Figure 5: Reconstitution paléogéographique des différents domaines des Maghrébides du Crétacé inférieur 
Figure 6: Scénario d'évolution de la Méditerannée Occidentale
Figure 6: Scénario d'évolution de la Méditerannée Occidentale
Figure 7: Reconstitutions paléogéographiques depuis l'Oligocène
Figure 7: Reconstitutions paléogéographiques depuis l'Oligocène

Enfin, signalons que des formations sédimentaires du Miocène au Quaternaire recouvrent en discordance les différentes unités précédentes, et sont déposées postérieurement aux grands chevauchements des zones internes, des nappes de flyschs et des nappes telliennes formant de grands bassins « post-nappes » tels que la Mitidja et le bassin du Cheliff, orientés OSO-ENE et les bassins de Constantine et de la Soummam. Au sein des bassins « post-nappes » littoraux, s’est mis en place un magmatisme calco-alcalin et alcalin d’âge miocène et quaternaire (figure 8 et tableau 1). Ces roches magmatiques sont présentes dans les zones côtières à l’ouest d’Oran, dans l’algérois (régions de Cherchell, Dellys et Thénia), autour de la baie de Bejaia, dans le massif de Collo, et entre Skikda et Annaba.

Figure 8: Répartition et âge du volcanisme récent en Afrique du Nord
Figure 8: Répartition et âge du volcanisme récent en Afrique du Nord

Enfin, la figure 9 donne la position des différentes unités géologiques des Maghrébides vues précédemment.

Figure 9: Position des différentes unités géologiques des Maghrébides
Figure 9: Position des différentes unités géologiques des Maghrébides

Références

Bouillin J.P. (1986). Le « bassin maghrébin » : une ancienne limite entre l’Europe et l’Afrique à l’ouest des Alpes. Bull. Soc. Géol. France, 8(2) 547-558.

Durand-Delga M. (1969). Mise au point sur la structure du Nord-Est de la Berbérie. Publ. Serv. Géol. Algérie, n°39, 89-131.

Villa J.M. (1980). La chaîne alpine d’Algérie orientale et des confins algéro-tunisiens. Thèse Docteur ès Sciences. Paris VI, 3 vol, 663 p.,. 199 fig., 40 pl., 7 pl.

Wildi W. (1983). La chaîne tello rifaine (Algérie, Maroc, Tunisie) : structure, stratigraphie et évolution du Trias au Miocène. Rev. Géol. Dyn. géog. Phys., (24), 3, pp 201-297.

Par : Dr Moulley Charaf Chabou