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Formation karstique du plateau de Cheria

INTRODUCTION

La structure originale de la région d'étude avait attiré l'attention des premiers auteurs (Durozoy, 1948; Flandrin, 1959). Ainsi, Chéria, d'une altitude moyenne de 1100 mètres et grace à ses ressources karstiques, représente un véritable château d'eau pour Tébessa située plus bas à 800 mètres d'altitude.

Le plateau de Chéria se caractérise donc par des aquifères assez importants pour toute la région. De forts débits y sont prélevés pour l'alimentation d'autres agglomérations et projets situés hors du bassin. Ce dernier présente une série stratigraphique connue sur plus de 1000 mètres, avec des possibilités hydrauliques certaines (Chaffai, 1983). Les formations marines, c'est-à-dire le Trias, le Crétacé et l'Eocène, occupent 80% de la sédimentation; les 20% restant correspondent au remplissage Mio-Plio-Quaternaire.

SITUATION GEOGRAPHIQUE ET CARACTERISTIQUES PHYSIQUES

Le bassin de Chéria, du nom de l'agglomération installée en son centre, est situé à environ 50km au sud-ouest de la ville de Tébessa et à 250km de la côte méditerranéenne (Figure 1). C'est un vaste plateau de forme approximativement triangulaire, couvrant une superficie moyenne de 800km2 et présentant des altitudes variant entre 1050 et 1500 mètres.

STRUCTURE ET GEOMETRIE DES AQUIFERES

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A partir de la série lithostratigraphique, le tracé de l'esquisse hydrogéologique (Figure 2) a permis de distinguer quatre terrains pouvant †tre des aquifères.

Cette disposition est assez nette sur les différentes coupes géologiques synthétisées à partir des profils géophysiques (C.G.G., 1970) et des données de forages (Figure 3).

L'aquifère des calcaires maestrichtiens

Sept forages ont atteint les calcaires maestrichtiens dont six ont rencontré des fissures. Les autres n'ont rencontré que des calcaires compacts non fissurés. Le tableau 1 présente les principales caractéristiques des ouvrages. Il suggère les commentaires suivants :

i. Seul le forage Nº521 a rencontré un véritable karst bien développé, avec des cavités ouvertes (chutes d'outils de 0,4m surtout entre les profondeurs 37 et 66m).

ii. Les zones fissurées se rencontrent à peu près sur toute l'épaisseur des calcaires sauf dans les forages 525 et 526 oˆ elles se localisent plutôt en profondeur.

iii. Les calcaires ne sont karstifiés que lorsque le terrain de recouvrement est quaternaire (Gaud, 1977), c'est-à-dire lorsqu'ils ont été émergés pendant une longue période et que des circulations d'eau de surface ont pu ouvrir les fissures par dissolution.

iv. La fissuration ne semble pas directement liée à la résistivité donnée par la géophysique de surface, puisque des résistivités très voisines (300 à 500 ohm.m) indiquent à la fois des calcaires très karstifiés ou faiblement fissurés.

v. Au carottage électrique, une grande imprécision est également notée. L'appareillage donne une résistivité de 50 ohm.m pour les calcaires très karstifiés du Nº521 et 40 à 80 ohm.m pour les calcaires fissurés du Nº526. Il semble noter des calcaires non fissurés par une résistivité d'environ 500 ohm.m et des calcaires peu fissurés ou crayeux par 350 ohm.m.

Tableau 1: Forages dans l'aquifère des calcaires maestrichtiens
Tableau 1: Forages dans l'aquifère des calcaires maestrichtiens

On peut donc conclure qu'il n'existe pas de paramètre très caractéristique des calcaires maestrichtiens aquifères. Cependant, on a d'autant plus de chance de rencontrer des zones fissurées ou karstifiées que l'on se place sur des discontinuités tectoniques et dans les zones où le calcaire est recouvert directement par le Quaternaire, soit à l'endroit où il a été émergé et attaqué selon la fissuration tectonique par les eaux de ruissellement. Le nombre de forage ayant traversé les calcaires maestrichtiens sous son recouvrement marneux dano-montien est très faibles (03). Il est alors difficile d'affirmer qu'il n'existe aucune fissuration, donc aucune possibilité aquifère dans toute l'étendue du réservoir soumis à ses conditions (Chaffai, 1986). Mais, si l'on considère la structure tectonique de la plaine de Chéria on ne note que deux accidents importants de direction Est-Ouest. S'ils peuvent engendrer localement une fissuration, ils ne sauraient donner à l'ensemble des calcaires maestrichtiens une porosité de issure importante.

Géométrie du réservoir maestrichtien

Les remarques ci-dessus indiquent que l'aquifère maestrichtien n'est probablement pas continu sur tout le système aquifère de Chéria. Il faut le limiter aux bordures du plateau dans les zones où il est directement recouvert par le Quaternaire. C'est là que la karstification semble se développer intensément, principalement dans les 50mètres supérieurs du calcaire. On fera une exception pour les grandes failles Est-Ouest qui affectent la région de Chéria et qui peuvent localement engendrer une fissuration, même au-dessous des marnes dano-montiennes.

Superficie des calcaires maestrichtiens à l'affleurement

La superficie de l'ensemble du système aquifère est d'environ 290km2, ce qui représente plus du tiers de toute la superficie du plateau de Chéria. Le volume de cette formation ne peut être calculé avec certitude car l'extension des zones fissurées en profondeur n'est pas connue avec exactitude. Cependant, en se basant sur les données de quelques forages et l'épaisseur moyenne des calcaires maestrichtiens fissurés, il est tout à fait prudent d'estimer le volume à 5000 millions de m3.

L'aquifère des calcaires èocènes

Les calcaires éocènes représentent l'aquifère principal de Chéria. Il a été reconnu par de nombreux forages spécialement autour de la ville de Chéria et fait l'objet d'une importante exploitation en eau des mines de phosphate de Djebel Onk et pour l'irrigation. La perméabilité est celle d'un karst bien développé dans la périphérie de Chéria. On donne dans les tableaux 2 et 3 les caractéristiques de tous les forages ayant touché ou traversé les calcaires éocènes.

Tableau 2: Forages dans l'aquifère des calcaires éocènes
Tableau 2: Forages dans l'aquifère des calcaires éocènes

Ainsi, les remarques suivantes peuvent être formulées :

i. Les zones fissurées se rencontrent en général dans les 100 premiers mètres de la série calcaire.

ii. Les zones karstifiées sont encore plus localisées dans les 50 premiers mètres.

iii. Les mesures de géophysique de surface ne permettent pas de différencier les calcaires compacts et fissurés.

iv. Le carottage électrique Log Normal a donné des résistivités de l'ordre de 200 ohm.m pour les calcaires fissurés et 400 „ 600 ohm.m pour les calcaires non fissurés.

Tableau 3: Forages dans l'aquifère des calcaires éocènes
Tableau 3: Forages dans l'aquifère des calcaires éocènes

Géométrie du réservoir éocène

Le réservoir se présente comme une cuvette synclinale orientée grossièrement NNE-SSW et il est interrompu par deux failles mises en évidence par la géophysique. Vers le Sud, cette cuvette se réduit à une étroite gouttière qui draine la nappe en direction d'Outa Oum Khaled et des sources d'El Mezeraa.

Superficie des calcaires éocènes

La surface totale du réservoir éocène à l'affleurement est de 70 km2. Les zones karstifiées se localisent au centre de la plaine et s'étendent vers le Sud jusqu'à la région d'Outa Oum Khaled (Chaffai, 1993). Vers le Nord, au contraire, elles semblent dispara‹tre rapidement. C'est le cas du forage 537 n'ayant rencontré aucune fracture importante.

Les calcaires éocènes, supposés à fissures ouvertes, couvriraient ainsi une superficie minimum de 100km2. Ceci représente un volume des calcaires éocènes de l'ordre de 10.000 millions de m3, en considérant une épaisseur moyenne de la zone fissurée de 100m (Cf. résultats des ouvrages dans les tableaux 1 et 2).

L'aquifère des niveaux du Miocéne

Les données concernant l'aquifère miocène sont peu nombreux. Deux forages l'ont traversé à savoir les 523 et 524. Le forage 523 a rencontré successivementde 0 à 16 m des argiles brunes à graviers, de 16 à 53m des graviers plus ou moins argileux, puis de 53 à 80 m des graviers et sables quartzeux. Au-delà, il est rentré dans les calcaires éocènes. Le niveau compris entre 53 et 80m est attribué au Miocène. Les argiles et graviers argileux supérieurs sont attribués au Pliocène et au Quaternaire. Ce niveau a été crépiné et a donné un débit de 13.2 l/s pour un rabattement stabilisé de 15m.

Les sables constituent donc un aquifère aux possibilités très moyennes, mais qui peut avoir localement un intér†t pour l'irrigation des vergers ou le pastoralisme. Son extension est difficile à établir, car la majeure partie est recouverte de cailloutis quaternaires. La superficie minimum est de l'ordre de 45 km2.

L'aquifère des alluvions quaternaires et actuelles

Les formations quaternaires et actuelles occupent la majeure partie de la plaine de Chéria et renferment une nappe exploitée par plus de 500 puits et dont l'importance est capitale pour toute l'activité agricole de la région (Chaffai et al., 2004).

De plus, cette nappe joue dans toute la partie Nord le rôle de zone d'alimentation des calcaires maestrichtiens et éocènes par infiltration retardée des eaux d'orage.

L'étude géophysique et les forages de reconnaissance ont permis de définir avec un peu plus de précision la géométrie de ces formations.

Le tableau 4 présente les caractéristiques de certains forages ayant traversé les formations quaternaires.

L'épaisseur des cailloutis peut varier de 0 à 96m. Dans l'ensemble, les débits fournis à partir de cette formation sont généralement faibles (12 l.s-1).

Le forage est une technique peu adaptée au captage des alluvions de cette région.

Les nombreux puits qui captent les cailloutis sur quelques mètres d'épaisseur et à 20m de profondeur au maximum donnent des débits de cet ordre (7 à 10 l.s-1) au Nord et au Sud de la ville de Chéria.

La superficie totale des affleurements quaternaires et miocènes est de 500 km2.

D'après les résultats des ouvrages, l'épaisseur moyenne est estimée à 50 mètres, ce qui représente un volume d'aquifère d'environ 25000 millions de m3.

Tableau 4: forages dans l'aquifère des alluvions quaternaires
Tableau 4: forages dans l'aquifère des alluvions quaternaires

EVALUATION DES RESSOURCES EN EAU DU PLATEAU DE CHERIA

Pour tout le système aquifère de Chéria, d'une superficie moyenne de 800 km2, le rabattement moyen observé entre Avril et Août est de l'ordre de 0.6m, ce qui représente un volume de terrain de 480 millions de m3. Ce volume atteindrait les 2400 millions de m3 pour un rabattement de 3m correspondant à une exploitation rationnelle de la réserve totale. Cette hypothèse tient compte des abaissements minimums des niveaux dynamiques observés dans les puits, pouvant dépasser souvent les 10 mètres.

Pour les alluvions quaternaires du plateau de Chéria, constituées de graviers, de cailloutis, de sables, d'argiles et de limons, une fourchette de porosité efficace allant de 2 à 20 % peut être considérée (Tableau 5).

Le tableau 5 permet de dégager une valeur moyenne minimum de 5% traduisant le caractère hétérogène du remplissage mio-plio-quaternaire du système aquifère de Chéria.

Tableau 5: porosités efficaces moyennes des principaux aquifères (Castany, 1982)
Tableau 5: porosités efficaces moyennes des principaux aquifères (Castany, 1982)

Tenant compte de la porosité efficace minimale de 5% et par rapport aux valeurs attribuées à la nature des terrains (en gras sur le tableau), les réserves régulatrices (Schœller, 1962) seraient de 24 millions de m3 d'eau sur une période de quatre mois, d'où un débit fictif continu de 2300l.s-1.

Les réserves potentiellement exploitables représenteraient, dans les mêmes conditions, un volume d'eau de 120 millions de m3.an-1, équivalent à 3800l.s-1.

CONCLUSION

Cet aperçu sur les possibilités aquifères du plateau de Chéria n'est en fait qu'une estimation approximative des ressources hydriques potentielles de tout le système.

Les nombreux forages qui ont atteint un karst plus ou moins développé ont donnés des débits de l'ordre de 100 l.s-1 avec des rabattements quasiment nuls.

L'évaluation proposée tient compte d'observations faites sur le terrain et qui correspondent à la nature et la réalité de l'exploitation des nappes aquifères de la région. L'absence de normes et d'une réglementation précise a engendré pendant plusieurs années une anarchie dans l'implantation des ouvrages de captage (forages et puits) et dont l'ampleur des dégƒts réflète presque tous les systèmes aquifères en Algérie. Cependant, l'aquifère de Chéria se distingue par un nombre important de sondages non inventoriés, pouvant atteindre des centaines.

Il s'agit surtout des puits domestiques qui compliquent toute approche relative à la gestion rationnelle des ressources en eau et leur évaluation.

Aujourd'hui, avec les nouvelles dispositions des pouvoirs publics, une opportunité réelle se présente pour corriger et proposer d'autres hypothèses.

Celles-ci tiendraient compte d'une meilleure connaissance des conditions aux limites, d'un inventaire précis des points d'eau, des jaugeages, des essais par pompage, etc. Ce sont des paramètres indispensables pour situer les possibilités aquifères du plateau de Chéria dans un contexte bien précis.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CASTANY, G. (1982). Principes et méthodes de l'hydrogéologie. Ed. Dunod, 238 p.

CHAFFAI, H. (1983). Approche hydrogéologique des formations du bassin

versant de Chéria. Essai de synthèse. Rapport de DEA, USTL, Montpellier II, 83 p.

CHAFFAI, H. (1986). Evaluation des ressources en eaux de la plaine de Chéria (Algérie). Synthèse et analyse des données. Thèse Doctorat 3ème cycle, USTL, Montpellier II, 245 p.

CHAFFAI, H. (1993). Ressources en eau des formations karstiques de Chéria (Algérie), Séminaire International d’hydrogéologie des roches carbonatées profondes, 8-12 Février, Tozeur, Tunisie.

CHAFFAI H., BAALI F. (2004). Les alluvions quaternaires du plateau de

Chéria: Relation avec les formations karstiques sous-jacentes. Séminaire

National sur les Sciences de la Terre au Service du Développement

Durable. 26 et 27 Avril 2004, Tébessa, Algérie. C.G.G.(Compagnie Générale de Géophysiue). (1970). Prospection géophysique sur le plateau de Chéria, Service des études scientifiques, 26 p.

DUROZOY, G. (1952). Les massifs calcaires crétacés des Monts Constantinois.Etude hydrogéologique préliminaire, XIX Congrès Géol. Inter., Alger, 20 p.

FLANDRIN, J. (1948). Contribution à l'étude stratigraphique du Nummulitique algérien, Thèse Sciences, Paris, 340 p.

GAUD, B. (1977). Etude hydrogéologique du plateau de Chéria, Rapport interne, DEMRH, 74 p.

SCHûLLER, H. (1962). Les eaux souterraines. Hydrologie dynamique et chimique, Recherche, Exploitation et Evaluation des Ressources, Ed. Masson et Cie, 642 p.