Rappel sur les diagraphies
La diagraphie est un enregistrement continu des variations d’un paramètre donné en fonction de la profondeur (Chapellier, 1987). Il existe des diagraphies instantanées (mesure de la poussée sur l’outil, vitesse d’avancement, poussée des fluides de forage, examen des « cuttings », examen qualitatif et quantitatif de la boue, indices de gaz ou d’huile,..) et différées (sonique, acoustiques, Gamma Ray…). Les diagraphies sont dites différées quand l’enregistrement des données est effectué lors de l’interruption temporaire ou définitive des opérations de forage.
Les diagraphies électriques (qui sont des diagraphies différées) permettent de mesurer le paramètre physique qu’est la résistivité qui peut varier entre 0.2 et 5000 Ω.m suivant la porosité et la nature des fluides interstitiels composant la formation géologique. Pour mesurer ce paramètre, on injecte un courant électrique à l’aide de deux électrodes et deux électrodes de mesure enregistrent les réactions du terrain à l’injection. Plus la distance entre l’injection et la mesure est grande, plus l’investigation est profonde. De nombreux outils existent pour réaliser ces diagraphies électriques (sondes normales, sondes latérales…).
Les diagraphies électriques fonctionnent parfaitement dans des milieux saturés car le trou est plein d’eau. Une limite importante de cette méthode est de ne pas pouvoir travailler dans les milieux non saturés où le trou est vide. L’utilisation de sonde électrostatique permet de passer outre cet inconvénient. Par ailleurs, ce type de sonde est moins sensible aux perturbations métalliques que les diagraphies à induction électromagnétique. Elle fonctionne donc dans tout forage non tubé en métal, crépiné ou non.
Une étude avec la méthode électrostatique entre deux forages a été étudiées (Leroux, 2000) avec différents dispositifs (pôle-pôle, pôle-dipôle, dipôle-dipôle). L’étude des diagraphies électrostatiques dans un seul forage reste à développer. Cette diagraphie en un seul forageporte sur un volume plus réduit mais avec un pouvoir d’analyse beaucoup plus fin, elle est surtout d’un usage potentiel beaucoup plus large car elle est applicable à pratiquement tous les forages alors qu’il est plus rare d’avoir deux forages dont l’écartement (entre 5 et 30 m) permettent des mesures.
Présentation de la sonde électrostatique
Rappel sur la théorie électrostatique :
La méthode électrostatique (qui est développée depuis la fin des années 1980 au Centre de Recherches Géophysiques de Garchy puis à l’UMR 7619 Sisyphe) est une généralisation de la méthode électrique (Mounir, 1994). Cette méthode, introduite à l’origine pour l’exploration peu profonde de milieux secs s’est révélée aussi intéressante en milieu urbain (Tabbagh et al., 2002). Le contact galvanique des électrodes de la méthode électrique est remplacé par un effet de type capacitif sans que l’impédance vue par le circuit d’injection ne soit trop forte. Dans des conditions de fréquence basse (inférieure à 100 kHz, en pratique de l’ordre de 70 kHz) et pour des gammes de résistivité couramment rencontrée, l’expression du potentiel créé par la charge électrostatique est identique à l’expression du potentiel utilisé par la méthode électrique. Il a été démontré qu’un quadripôle électrostatique donne les mêmes résultats et correspond à la même théorie qu’un quadripôle électrique classique.
La sonde électrostatique :
La sonde, qui a été développée pour l’utilisation dans un forage isolé, est une sonde de type Wenner dipôle-dipôle dont les caractéristiques sont données dans le schéma suivant.
La sonde est un quadripôle où les pôles sont des cylindres de longueur 3 cm et de diamètre 48 mm, espacés de 29 cm (choix dicté pour avoir un bon compromis entre l’encombrement de la sonde et la profondeur d’investigation). Une tête métallique, située à 24 cm d’une des électrodes de mesure, sert de masse électrique (référence) au système. La sonde a une longueur totale de 170 cm. Pour éviter les problèmes de court-circuit en présence d’eau (infiltration d’eau due à des précipitations ou à l’existence d’un aquifère), la sonde est protégée par un tube composite en fibre de verre et résine époxy qui permet au système d’être étanche. La sonde a donc un diamètre de 50 mm qui permet une intervention dans un très grand nombre de forages tubés ou non. Le système d’acquisition des données (3 mesures par seconde) se fait par le biais du câble monté sur un treuil et relié à un ordinateur portable. Cette configuration permet d’avoir toutes les électrodes sur la sonde elle-même, ce qui présente l’avantage de ne pas avoir d’électrodes « à l’infini » et donc d’éviter les problèmes inhérents à la pose d’une électrode hors des puits. La résistivité apparente est déduite de la formule ρa=K ΔV/I, où K est le coefficient géométrique qui vaut 12π*0.29 dans les conditions d’un espace infini.
Résultats d’un essai :
Un essai de la sonde électrostatique à été réalisé sur le site de la friche industrielle de Mortagne-du-Nord (Guérin et al., 2002). Ce site a abrité des activités de métallurgie de zinc et de plomb et de fabrication d’acide sulfurique entre 1901 et 1968. Des études hydrologiques et géochimiques y ont été menées dans des fosses et des forages suivant un maillage de 50 m x 50 m. Mais la densité de ce maillage n’était pas suffisante pour cerner les contours et digitations des zones polluées et pour trouver des drains d’écoulement préférentiel. Une cartographie slingram (Figure 2) a permis de déterminer des anomalies conductrices coïncidant avec des anomalies chimiques obtenues dans les piézomètres, et a indiqué des lieux de sortie de l’eau vers les drains fluviaux. Des panneaux électriques 2D et 3D ont permis quant à eux d’indiquer avec précision la position des alluvions argileuses, et de décrire des zones d’infiltration superficielle.
La diagraphie électrostatique a apporté une description fine dans la zone non saturée, des variations verticales de la résistivité dans les forages, à proximité des anomalies localisées avec les deux autres méthodes. Les premiers tests réalisés en août 2002 dans le puits 80SA dont la description a été donnée par une fosse proche, montrent une bonne corrélation entre le signal enregistré (pas encore étalonné) et les observations géologiques (Figure 3). En effet, les scories ont d’après les données de panneau électrique des résistivités plus élevées que le terrain superficiel (remblais sableux) et les argiles sous-jacentes ; et les données de la sonde de diagraphie (valeur proportionnelle à de la résistivité) présente le même type de contraste.
Conclusion
La sonde développée par le laboratoire UMR 7619 Sisyphe permet de réaliser des diagraphies électrostatiques dans un forage isolé. L’intérêt principal de cette méthode est qu’elle permet de travailler aussi bien en milieu saturé qu’en non saturé, dans des zones urbaines ou polluées pouvant contenir des parties métalliques.
Bibliographie
Chapellier D., 1987. Diagraphies appliquées à l’hydrogéologie. Lavoisier, Technique et Documentation, 165 pp.
Guérin R., Bégassat P., Benderitter Y., David J., Tabbagh A. and Thiry M., 2002. Electrical resistivity by electromagnetic slingram mapping, electrical 2D and 3D imaging, and electrostatic logging: a tool for studying an old waste landfill. 8th meeting EEGS-ES (Environmental and Engineering Geophysical Society - European Section), Aveiro (Portugal), 8-12 septembre. Leroux V., 2000. Utilisation d’électrodes capacitives pour la prospection électrique en forage.
Thèse de Doctorat de l’Université de Rennes 1, 151 pp.
Mounir A., 1994. Utilisation des quadripôles électrostatiques pour des profondeurs d’investigation pluridécamétriques. Thèse de Doctorat de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), 183 pp.
Tabbagh A., Panissod C., Benech C., Dabas M., Jolivet A., Guérin R., 2002. Un outil de reconnaissance géophysique en milieu urbain : la prospection électrostatique. Revue Française de Géotechnique, 101, 3-10.