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La chaîne des puys

Peu de régions au monde peuvent se flatter de posséder un ensemble volcanique aussi complet et pédagogique que la Chaîne des Puys. La diversité des édifices, leur nombre important sur une surface très limitée et accessible, la fraîcheur des morphologies, la linéarité de la chaîne et la variabilité chimique qui va des basaltes aux trachytes font de cet ensemble une formidable encyclopédie du volcanisme.

La chaîne s'est édifiée sur le horst cristallin du plateau des Dômes - vers 900 m d'altitude - séparé de la Limagne sédimentaire à l'Est (altitude moyenne 450 m), par une grande faille-limite. Elle est la dernière manifestation d'une longue histoire volcanique du Massif Central. Les périodes d'activité de la chaîne s'échelonnent dans le temps entre 156 000 et 7000 ans calBP (BP = Before Present, c'est à dire avant l'actuel, les âges obtenus par le 14C étant systématiquement "recalibrés") ce qui en fait l'ensemble volcanique le plus jeune de France métropolitaine.

A la Chaîne des Puys au sens strict, comprenant les édifices situés entre le puy de l'Enfer au sud et la zone de Beaunit au nord, sur une trentaine de kilomètres, et disposés sur un axe nord-sud, on doit rattacher les prolongements et satellites contemporains septentrionaux (Chalard, Gour de Tazenat...), occidentaux (vallée de la Sioule et retombée nord des Monts Dore), orientaux (région de Clermont) et les 4 volcans méridionaux (Pavin, Montchal, Montcineyre et Estivadoux) près de Besse en Chandesse, 30 km plus au sud. Ceux-ci, vieux de 7000 ans seulement, reposent sur des laves plus anciennes à la jonction entre le Sancy et le Cézalier et sont donc les plus récents de la chaîne.

En comptant ses prolongements et satellites contemporains, la Chaîne des Puys comporte environ cent dix appareils éruptifs reconnus, disposés sur un axe nord-sud. Aux cônes de scories qui constituent les plus nombreux des édifices, sont associées une centaine de coulées affleurantes ainsi qu'une grande variété de structures éruptives : maars, dômes, protrusions...

Un panorama N-S de la chaîne des Puys (Photo Alain Pons)
Un panorama N-S de la chaîne des Puys (Photo Alain Pons)

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La particularité de la Chaîne des Puys par rapport aux stratovolcans Cantal et Monts Dore, est de montrer une juxtaposition d'édifices dits "monogéniques", de petites tailles, résultant chacun d'une éruption brève à l'échelle des temps géologiques (de quelques jours à quelques mois). Ils permettent donc une compréhension aisée des mécanismes volcanologiques mis en jeu. Parmi ces mécanismes, des travaux récents (Vidal, 1994) ont mis en évidence la fréquence d'un phénomène jusque là rarement signalé à l'échelle mondiale : des édifices de faible volume, pour des causes variées, peuvent connaître des déstabilisations sectorielles, de la même façon que les grands stratovolcans, pouvant aller jusqu'à la destruction complète du cône, et dans un cas extrême engendrer une avalanche de débris meurtrière, comme ce fut le cas à Gravenoire aux portes de Clermont (Goër et al, 1993). Par ailleurs, l'approfondissement de la carrière du puy de Lemptégy en décembre 1999 a mis en évidence que le fonctionnement profond de la chaîne doit être attribué au jeu d'un grand décrochement dextre subméridien affectant le socle, ainsi que le laissait supposer la disposition des alignements d'édifices en une série de fentes de tension en échelons (Goër, 2000). A l'inverse, le grand décrochement sénestre observé dans le chantier de Vulcania (faille dite "de Tauves-Aigueperse", l'une des branches du Sillon Houiller), qui prend toute la chaîne en écharpe, et dont le dernier jeu attesté n'excède pas 9 000 ans, ne fait probablement qu'interférer avec le volcanisme.

Pourtant, en dépit de la remarquable synthèse volcanologique de la Chaîne des Puys (Goër et al., 1991), la Chaîne des Puys ne bénéficiait pas jusqu'à ces dernières années d'un échantillonnage exhaustif permettant de contraindre correctement son évolution pétrologique et géochimique. Plusieurs campagnes de prélèvement ont été menées récemment afin de combler cette lacune (Rosseel, 1996) et font l'objet d'une exploitation des résultats qui continue à ce jour. Ces travaux ont permis d'affiner la cartographie et de relier de nombreuses coulées orphelines aux cônes de scories qui leur ont donné naissance. Ils ont aussi permis de cerner plus précisément les mécanismes d'évolution géochimiques des produits magmatiques et de confirmer le rôle majeur du fractionnement de l'amphibole dans ces processus. Enfin, l'intégration des données géochimiques et géochronologiques a permis de montrer une évolution globale de la série avec le temps, en quatre époques éruptives caractérisées par des laves de plus en plus différenciées et séparées par des périodes de repos (figure 11). La mise en évidence de cette évolution chimique des produits émis avec le temps n'a pas que des incidences scientifiques de nature académique. Les dernières éruptions de la Chaîne des Puys proprement dite (8600 ans cal BP), qui ont édifié les cônes trachybasaltiques jumeaux de la Vache et de Lassolas, impliquent logiquement que nous sommes entrés dans un nouveau cycle magmatique qui pourra se traduire dans l'avenir par des éruptions de laves de plus en plus différenciées…donc potentiellement de plus en plus dangereuses. Dans "Volcans d'Auvergne : la menace d'une éruption ?" Alain de Goër argumente les réponses à cette question et répond sans équivoque "il se produira un jour une nouvelle éruption". Aux questions quand ? où ? comment ? et pour quels risques ? les connaissances actuelles ne permettent pas de répondre avec précision. Il ne s'agit pas là d'un manque de connaissances mais d'une limite de la méthode comme peuvent l'être les prévisions météorologiques à long terme. Il n'empêche que le risque est réel; la présence de trois maars dans l'agglomération clermontoise nous rappelle l'importance du risque encouru.