×

La déformation des roches

Lorsqu'elle est soumise à des contraintes, la croûte terrestre se déforme. On peut définir simplement la contrainte comme étant une force appliquée à une certaine unité de volume. Tout solide possède une force qui lui est propre pour résister à la contrainte. Lorsque la contrainte dépasse la résistance du matériel, l'objet est déformé et il s'ensuit un changement dans la forme et/ou le volume. Il existe des cas où la déformation n'est cependant pas perceptible à l'oeil nu mais détectée seulement par des appareils sensibles, et c'est le cas de la déformation du matériel solide lors d'un tremblement de terre avant qu'il y ait bris.

Les contraintes peuvent déformer tout aussi bien un volume de pâte à modeler que tout un segment de la croûte terrestre. La déformation peut être permanente ou non. Le bris d'un vase qu'on échappe par terre est permanent, alors que la déformation d'une balle de tennis due à l'impact sur la raquette est éphémère. On reconnaît trois principaux types de déformations qui affectent la croûte terrestre: élastique, plastique et cassante (un quatrième type n'est pas discuté ici, la déformation visqueuse qui s'applique aux liquides). Le schéma qui suit montre la relation générale entre contrainte et déformation.

La première réponse d'un matériau à la contrainte est la déformation élastique. Quand la contrainte est relachée, le matériau reprend sa forme et son volume initial, comme la bande élastique que l'on étire ou la balle de tennis frappée par la raquette. L'énergie emmagasinée par le matériau durant la déformation est dissipée lorsque la contrainte est relachée; cette énergie est transformée, par exemple, en mouvement dans le cas de la balle de tennis. Sur le schéma, la relation contrainte-déformation est linéaire dans le cas de la déformation élastique. À un point donné durant la déformation élastique, la relation contrainte-déformation devient non linéaire: le matériau a atteint sa limite d'élasticité. Si la contrainte dépasse cette limite, le matériau est déformé de façon permanente; il en résulte une déformation plastique (l'écrasement d'une balle de pâte à modeler par exemple) ou une déformation cassante (le verre qui se brise). Dans le cas de la déformation plastique, toute l'énergie est utilisée pour déformer le matériau. Avec une augmentation de la contrainte, le matériau atteint un second seuil, son point de rupture, et il casse; c'est la déformation cassante. Lorsqu'un matériau est soumis à des taux de contraintes très rapides, la déformation plastique est minime ou même inexistante.

Trois paramètres importants doivent être considérés lorsqu'on applique les concepts de contrainte-déformation aux matériaux de la croûte terrestre: la température, la pression et le temps. Température et pression augmentent avec la profondeur dans la croûte terrestre et modifient le comportement des matériaux. D'une manière très générale, on aura la relation suivante:

La ligne rouge délimite deux champs: le champ de la déformation cassante (qu'on dit aussi fragile) et celui de la déformation plastique (qu'on dit aussi ductile). La ligne fléchée bleue symbolise une augmentation progressive des conditions de température et de pression à mesure que l'on s'enfonce dans la croûte terrestre. Cette relation nous indique que, de manière générale, les roches de surface seront déformées de façon cassante, alors que les roches en profondeur le seront de façon plastique. C'est dire que pour un type de roche donné, celui-ci peut se retrouver sous un état fragile ou ductile, selon la profondeur à laquelle il se trouve dans la croûte terrestre.

Restez à l'écoute

Abonnez-vous à notre newsletter et ne manquez jamais nos dernières nouvelles et offres.
Pas de spam, notifications uniquement sur les nouvelles offres et actualités.

Le temps est aussi un facteur très important lorsqu'on discute de déformation. Si on étire brusquement (temps court) un cylindre de pâte à modeler, il casse; si on y va plutôt lentement (temps long), il se déforme de façon plastique. En ce qui concerne la déformation des roches, le facteur temps, qui se mesure ici en millions d'années, se doit d'être considéré. Il est difficile d'imaginer qu'on puisse plier des couches de roches dures, ... à moins qu'on y mette le temps géologique.

Un autre paramètre à ne pas négliger est la composition de la roche. Certaines roches sont cassantes de nature (comme les calcaires, les grès, les granites), d'autres plutôt plastiques (comme les roches argileuses).

Les roches sédimentaires sont à l'origine disposées en couches à peu près horizontales puisqu'elles proviennent de la transformation de sédiments qui se sont déposés à l'horizontale. Mais on les retrouve souvent inclinées, déformées, affectées par des plis et des failles, particulièrement dans les chaînes de montagnes. Les contraintes responsables de la déformation des roches de la croûte terrestre ont des sources multiples. Les déformations résultent le plus souvent des mouvements des plaques lithosphériques qui se traduisent par des contraintes qui modifient la forme des roches, leur volume et, dans certains cas, leur composition chimique et minéralogique.

Il y a fondamentalement deux types de contraintes qui déforment les roches: les contraintes de compression et celles de tension. Dans la compression, les forces convergent; elles peuvent être coaxiales ou non. La déformation d'un jeu de carte sous contraintes de compression illustre la différence. Dans le cas d'une contrainte de compression coaxiale, les cartes vont s'arquer, comme illustré ici:

Si les contraintes ne sont pas coaxiales, il va se développer du cisaillement; le jeu de carte se déforme par le glissement des cartes les unes sur les autres:

Dans la tension, les contraintes divergent et ont pour effet d'étirer le matériel.

Les schémas qui suivent illustrent la déformation des couches de roches sous des régimes de contraintes en compression et en tension. Prenons comme volume de départ, un empilement de couches de roches non déformées à l'horizontal.

Les plis constituent la manifestation d'un comportement plastique (ductile) des roches sous l'effet de contraintes de compression.

Pour décrire les plis, on utilise les termes d'anticlinal quand le pli se ferme vers le haut et de synclinal lorsqu'il se ferme vers le bas. Les plis sont dits droits lorsque le plan axial est vertical. A l'autre extrême (non illustré ici), il y a les plis couchés, lorsque le plan axial est horizontal. Entre les deux, il y a les plis déjetés et les plis déversés. Les plis droits résultent de contraintes de compression coaxiales, les plis déjetés et déversés de contraintes qui ne sont pas coaxiales.

La déformation cassante se traduit par des plans de cassures, les failles.

Par convention, on nomme toit le compartiment qui se situe au-dessus du plan de faille, et mur celui qui est au-dessous. Le rejet est le déplacement net des deux compartiments. Les contraintes de compression produisent des failles inverses (plan de faille abrupte) ou de chevauchement (plan de faille près de l'horizontale). Dans ces deux cas, le toit monte par rapport au mur. Les contraintes de tension produisent des failles normales et listriques; le toit descend par rapport au mur. Les failles de décrochement (ou de coulissage) constituent un cas particulier; elles se produisent par le déplacement de deux compartiments l'un par rapport à l'autre dans un plan horizontal. On les retrouve en régimes compressifs ou extensifs.

Une application très importante de tout cela, c'est qu'en étudiant la géométrie des terrains déformés, le géologue est en mesure de définir la nature des contraintes qui ont produit une géométrie donnée et d'en déduire l'histoire de la dynamique d'une région.