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Talus et bassin océanique

1. LE TALUS ET LE GLACIS

1.1 Structure

Le talus borde l'extrémitée distale de la plate-forme. Il est généralement entaillé par des canyons sous-marins par où transitent les matériaux qui sont épandus sur le glacis et la plaine abyssale.

Figure 1: Morphologie d'une marge continentale passive
Figure 1: Morphologie d'une marge continentale passive

1.2 Transport des matériaux

Les matériaux proviennent de la plate-forme: les détritiques issus du continent ou les carbonates de la production biologique s'y accumulent ; tout déséquilibre déclenche un déplacement gravitaire vers le glacis. Les mouvements gravitaires sont de plusieurs types.

  • Eboulement de blocs et panneaux (éboulis sous-marins); fréquemment observés sur les pentes récifales. Les éléments se retrouvent dispersés dans les sédiments profonds; on les appelle olistolites quand ils sont petits, klippes sédimentaires quand ils sont grands (centaines de mètres).
  • Glissement en masse de sédiments en voie de lithification, souvent à la faveur de failles listriques; l'ensemble reste cohérent mais se déforme en produisant des convolutes (ondulations décimétriques) ou des slumps (plis métriques).
  • Coulées de débris: écoulement de blocs portés par une matrice abondante; produit un dépôt en vrac comme dans les coulées de débris continentales.
  • Courant de turbidité: nuage d'eau chargée de matériaux de la taille des graviers, sables et argiles.

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Ces déplacement de matériaux produisent une érosion plus ou moins notable du talus.

1.3 Courants de turbidité

La majeure partie des matériaux est transportée par ce mécanisme. Les courants se déplace grande vitesse, plusieurs dizaine de km/h et parcourent plusieurs dizaines de km. Ils produisent une érosion par aspiration à l'avant puis un dépôt après leur passage. Les plus gros éléments sont déplacés sur le fond par traction, les autres particules restent en suspension.

Figure 2: Déplacement d'un courant de turbidité
Figure 2: Déplacement d'un courant de turbidité

1.4 Cône sous-marin profond

Les matériaux transportés par courant de turbidité s'accumulent en bas du talus pour former un éventail sous-marin nommé encore cône bathyal ("deep sea fan"). Les courants suivent des chenaux, les dépôts forment des lobes. Les éléments grossiers se déposent en amont, dans la partie proximales du cône, lesparticulent fines en aval, dans la partie distale.

Figure 3: Structure d'un cône sous-marin profond
Figure 3: Structure d'un cône sous-marin profond

1.5 Séquence turbiditique

Les sédiments déposés par un courant de turbidité, ou turbidites, se déposent en fonction de la diminution de vitesse de l'eau en une suite d'intervalles formant la séquence de Bouma. A la base se trouvent les éléments grossiers (graviers, fragments d'argile prélevés au sommet de la séquence précédente); au sommet se décantent les particules fines. La séquence complète comprend 5 intervalles; elle se dépose au niveau des lobes du cônes.

Figure 4: Séquence de Bouma
Figure 4: Séquence de Bouma

1.6 Faciès turbiditiques

L'organisation de la séquence turbiditique change en fonction de sa position dans le cône sous-marin et donc de la vitesse du courant. Dans la partie amont, les faciès "A" sont ceux de coulées de débris, les faciès "B" trés riches en sable ressemblent à ceux des courants de traction, les faciès "C" sont les turbidites classiques à séquence de Bouma complète, de type a-b-c-d-e, les faciès "D" riches en particules fines présentent des séquences de Bouma tronquées à la base, de type b-c-d-e, c-d-e ou d-e.

Figure 5: Répartition des faciès turbiditiques d'amont en aval d'un cône, d'après la nomenclature de Mutti et Ricci-Lucchi
Figure 5: Répartition des faciès turbiditiques d'amont en aval d'un cône, d'après la nomenclature de Mutti et Ricci-Lucchi

Dans la frange du cône, les sédiments sont fins; ils sont souvent remaniés par des courants profonds suivant les contours des continents et appelés pour cela "courants de contours"; les sédiments remaniés présentent des rides de courants; ils constituent des contourites.

1.7 Turbidites anciennes

Les turbidites se déposent actuellement au pied de toutes les marges continentales; elles ont pu être bien étudiées par sondage sismique, sonar et carottage. Les cônes sous-marins de la côte californienne ont servi de modèle. Elles sont abondantes car elles représentent tous les sédiments détritiques issus du continent qui n'ont pu s'accumuler et demeurer sur la plate-forme. 

L'accumulation de turbidites est particulièrement importante dans les zones orogéniques. Les montagnes plissées sont constituées en partie de séries turbiditiques de plusieurs milliers de mètres d'épaisseur. On emploie souvent le terme de "flysch". Ce terme a une double signification: 

  • signification géodynamique: série détritique marine rythmée syn-orogénique. 
  • signification sédimentologique: tubidites. 

De plus, certains auteurs estiment que ce terme ne doit être employé que pour le domaine alpin, lieu où il a été créé au siècle dernier. En employant le terme dans son acception la plus large, on connaît du flysch depuis le Précambrien. Citons les flysch alpins principalement d'âge mésozoïque; les Grès d'Annot comportent des turbidites proximales, le flysch à Helminthoïdes correspond à des faciès distaux. Le "wildflysch" est un faciès désorganisé à blocs mise en place sur  les marges  instables des zones orogéniques. Les flyschs pyrénéens sont principalement déposés au cours du Crétacé supérieur dans un bassin en compression. 

La chaine hercynienne comprend également des séries turbiditiques: citons les flyschs carbonifères de la Montagne Noire et des Pyrénées. 

Figure 6: Exemple de série turbiditique ancienne (Carbonifère inférieur de la chaine hercynienne); les faciès turbiditiques sont subdivisés en C1, D2... Le faciès F désigne des zones désorganisées
Figure 6: Exemple de série turbiditique ancienne (Carbonifère inférieur de la chaine hercynienne); les faciès turbiditiques sont subdivisés en C1, D2... Le faciès F désigne des zones désorganisées

2. LA PLAINE ABYSSALE

2.1 Caractères de la sédimentation pélagique

Les grands fonds océaniques ne reçoivent guère que des particules détritiques fines et des squelettes de microorganismes planctoniques. Le taux de sédimentation y est trés faible, de l'ordre de 1 cm pour 1000 ans. Les sédiments pélagiques forment une mince pellicule recouvrant la croûte océanique. Sur les bordures proches du continent des bouffées de courants de turbidité arrivent sporadiquement qui déposent des sédiments plus grossiers.

Les particules terrigènes sont principalement des argiles d'origine continentale apportées en suspension par les courants océaniques et des poussières transportées par les vents qui proviennent de l'érosion continentale ou de l'activité volcanique. Dans les hautes latitudes s'ajoutent les matériaux glaciaires apportés par les glaces flottantes et les vents.

Les éléments planctoniques sont essentiellement des débris carbonatés et siliceux. La nature du sédiment accumulé sur le fond dépend de la nature et de l'abondance du plancton, de la température et de la profondeur de l'eau qui agissent sur la dissolution de la calcite et de la silice.

Figure 7: Répartition actuelle des sédiments océaniques carbonatés
Figure 7: Répartition actuelle des sédiments océaniques carbonatés
Figure 8: Courbes de dissolution des tests siliceux (Radiolaires) et calcaires (Foraminifères et Coccolithes)  en fonction de la profondeur
Figure 8: Courbes de dissolution des tests siliceux (Radiolaires) et calcaires (Foraminifères et Coccolithes) en fonction de la profondeur

2.2 Les boues calcaires

La dissolution du calcaire augmente avec la profondeur: ce phénomène est dû à la teneur en CO2 qui est grande à basse température et sous pression. Au delà d'une certaine profondeur, tous les débris carbonatés sont dissous et le sédiment ne contient pas de carbonates: cette limite est la profondeur de compensation des carbonates ou  CCD (Carbonate Compensation Depth). Cette limite est située vers -5000 m dans l'Atlantique. Elle est moins profonde dans les hautes latitudes où l'eau est plus froides.

Figure 9: Variation de la profondeur de compensation des carbonates, exprimée en km, dans le Pacifique
Figure 9: Variation de la profondeur de compensation des carbonates, exprimée en km, dans le Pacifique

Les boues calcaires se déposent sur les fonds au-dessus de la CCD qui ne reçoivent pas d'apports terrigènes importants. Selon la nature des organismes, on distingue:

  • les boues à Foraminifères, abondantes dans l'Atlantique;
  • les boues à coccolites, petites plaques de Coccolithophoridés d'une dizaine de microns, plus petites donc plus solubles que les tests de Foraminifères;
  • les boues à Ptéropodes, coquilles trés fines de mollusques pélagiques, trés facilement dissoutes (elles ne déposent pas au delà de -2000m).

2.3 Les boues siliceuses

La dissolution des tests siliceux est grande dans les eaux superficielles sous-saturées en silice. Elle diminue en profondeur sous l'effet de la pression et de la basse température. A grandes profondeurs, au dessous de la CCD, la sédimentation siliceuse domine à condition que la production de silice par le plancton ait été suffisamment importante en surface. On distingue:

  • les boues à Diatomées abondantes dans les mers froides;
  • les boues à Radiolaires bien représentées dans la zone équatoriale des océans Pacifique et Indien.

2.4 Les boues argileuses et organiques

Les boues argileuses sont abondantes dans le Pacifiques; les minéraux argileux proviennent de l'érosion continentale. En revanche, l'argile rouge des grands fonds, riche en fer et en manganèse, contient de nombreux minéraux néoformés. Elles peuvent être associées à des nodules polymétalliques. Les phénomènes hydrothermaux, nombreux à proximité des rides médio-océaniques et des points chauds, fournissent de nombreux éléments chimiques sous forme de sulfures et d'oxydes.

 Des vases riches en matière organique s'accumulent dans les bassins anoxiques. La matière organique est un sapropèle issu de la décomposition des constituants organiques du plancton. Ces vases donnent après diagénèse des black shales. La Mer Noire constitue un exemple actuel de bassin marin anoxique.

2.5 Les sédiments pélagiques anciens

Les formations pélagiques sont peu répandues dans les séries géologiques. En effet, les sédiments sont peu épais, ils restent au fond de l'océan et sont souvent absorbés dans les zones de subduction. La convergence des plaques dans l'orogénèse les remonte sur le continent: ils affleurent surtout dans l'axe des chaines de collision, où ils sont associés aux ophiolites, mais sont souvent trés déformés et métamorphisés. Dans les Alpes, les schistes lustrés du domaine piémontais représentent les sédiments pélagiques de la Téthys ligure. Dans la chaine hercynienne, on connait des radiolarites qui sont d'anciennes boues à radiolaires.

Dans l'Atlantique sud, les sédiments du Crétacé inférieur, connus par sondage profond, sont des black shales. A cette époque l'Atlantique sud était un bassin anoxique.