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Ruissellement et érosion du sol

1 Les facteurs naturels agissant sur le ruissellement

L'intensité du ruissellement superficiel dépend essentiellement des conditions climatiques, topographiques, pédologiques et végétation.

* Facteurs climatiques

Il s'agit de l'intensité, du volume, de la fréquence des pluies et de leur répartition au cours de l'année. Ces caractères conditionnent notamment l'importance du couvert végétal qui s'oppose au ruissellement en absorbant l'eau. L'eau ruisselle lorsque la vitesse d'arrivée de l'eau sur le sol est supérieure à la vitesse d'infiltration. Le volume d'eau en excès à la surface dépend de l'intensité (hauteur d'eau par rapport à une durée) de la pluie et du volume total précipité. Il existe un seuil d'intensité au-dessous duquel le ruissellement ne se forme  pas. L'indice classique de WICHMEIER, défini en 1959 pour quantifier l'érosion des sols aux U.S.A. , place cette limite pour une intensité moyenne de 25 mm/h pendant au moins 30 minutes. Cette valeur a été remise en question par les auteurs européens qui ont montré que le ruissellement pouvant apparaître pour des valeurs seuils bien plus faibles (2 à 10 mm/h). Les précipitations peuvent se faire sous forme d'averses violentes qui entraîne un ruissellement important. En climat méditerranéen, les précipitations journalières peuvent atteindre 100 mm, les intensités instantanée 5 mm/minute. Les pluies d'orage s'accompagnent de fortes intensités dans le Nord de la France (une intensité de 220 mm/heure a été relevée à proximité de la vallée de la Marne en septembre 1987.) Sous les climats subdésertiques, le ruissellement est augmenté encore par la faiblesse du couvert végétal. Un cas particulier est fourni par la fonte des neiges: en climat froid, le sol reste gelé et imperméable au printemps tandis que la neige fond. L'eau de fonte ruisselle et grossit les rivières. En revanche, la fonte de la couverture neigeuse sur sol non gelé, dans nos régions,  fournit lentement l'eau qui peut être complètement absorbée par le sol.

*Facteurs pédologiques

La perméabilité de surface et la capacité de rétention en eau du sol favorisent l'infiltration et donc s'opposent au ruissellement. Le flux d'infiltration dépend de l'état de surface et du système de porosité, eux-même conditionnés par la compacité, la fissuration et l'activité biologique (macropores, galeries). Sous l'action des pluies, la surface du sol passe d'un état fragmentaire poreux et meuble à un état plus continu et compact. La couche superficielle forme une croûte de battance qui diminue la vitesse d'infiltration donc favorise le ruissellement. Les croûte de battance se développent surtout sur les sols limoneux: la vitesse d'infiltration peut passer de plusieurs dizaines de mm par heure à moins de 1 mm par heure lorsque s'est formée la croûte de battance; l'eau ruisselle alors que le sol n'est pas saturé en eau en profondeur L'histoire hydrique du sol intervient  également: un sol saturé par une précipitation ne pourra absorber la précipitation suivante. La profondeur du sol joue aussi un rôle: un sol peu épais sur une roche imperméable sera une zone de ruissellement favorisée.

* Facteurs topographiques

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La valeur de la pente conditionne la vitesse d'écoulement de l'eau en surface; sa longueur favorise des débits importants et la concentration des filets d'eau.

* Couvert végétal

La végétation s'oppose au ruissellement et favorise l'infiltration. Les tiges constituent des obstacles à l'écoulement superficiel qui diminuent la vitesse des filets d'eau. Les racines augmentent la perméabilité du sol.

Figure 1: Rôle de la couverture végétale sur le ruissellement
Figure 1: Rôle de la couverture végétale sur le ruissellement
Tableau 1: influence de la nature de la couverture végétale sur le ruissellement
Tableau 1: influence de la nature de la couverture végétale sur le ruissellement
Figure 2: effet de l'anthropisation sur la production sédimentaire d'un  versant (d'après les travaux de Wolman sur le piémont du Maryland)
Figure 2: effet de l'anthropisation sur la production sédimentaire d'un versant (d'après les travaux de Wolman sur le piémont du Maryland)
Figure 3: influence de la mise en culture sur la production sédimentaire dans le bassin versant du fleuve Potomac (d'après les travaux de Walk et Keller, 1965)
Figure 3: influence de la mise en culture sur la production sédimentaire dans le bassin versant du fleuve Potomac (d'après les travaux de Walk et Keller, 1965)
Figure 4: influence de la nature du couvert végétal sur la production sédimentaire d'un bassin versant (d'après diverses mesures de Ursic et Dendy aux USA)
Figure 4: influence de la nature du couvert végétal sur la production sédimentaire d'un bassin versant (d'après diverses mesures de Ursic et Dendy aux USA)
Figure 5: Intensité du ruissellement sur une parcelle de maïs en mai 1998 (LUDWIG, 1999): le compactage causé par les traces de roues favorise le ruissellement
Figure 5: Intensité du ruissellement sur une parcelle de maïs en mai 1998 (LUDWIG, 1999): le compactage causé par les traces de roues favorise le ruissellement

2 L'érosion des sols

Le ruissellement superficiel peut entraîner les particules du sol. Du fait de son impact économique, l'érosion des sols a été bien étudiée pour les sols de culture qui restent à nu une partie de l'année (au moins pendant le travail de la terre au cours des labours). Dans nos régions, ce phénomène d'érosion est faible ou nul sous couvert végétal naturel, c'est à dire sous la forêt de feuillus. L'érosion est en revanche intense sous les climat semi-arides à arides où la couverture végétale est réduite.

* L'effet splash

Les gouttes de pluie brisent les mottes et les agrégats et projettent les particules arrachées. Ce phénomène de rejaillissement sous l'impact, ou «splash», déplace les particules sur quelques dizaines de cm, la distance dépendant de la masse des particules et de l'angle d'incidence des gouttes de pluies par rapport à la surface. Les particules fines déplacées sont piégées entre les éléments plus grossiers et ferment les pores: la surface du sol perd de sa capacité d'infiltration et sur certains sols, il apparaît une croûte de battance. La masse de sol détachée  peut être de l'ordre de plusieurs dizaines de tonnes par hectare et par an.

.                                                                                         croûte structurale                               croûte sédimentaire

  • Phase 0: état initial fragmentaire, poreux et meuble (infiltration possible: 30-60 mm/heure)
  • Phase 1: fermeture de la surface par effet splash (2-6 mm/heure)
  • Phase 2: sédimentation dans les flaques (1 mm/heure)

TABLEAU 2: Modification de la surface du sol sous l'action de la pluie (inspiré de BOIFFIN in BUSSIERE).

* L'entraînement des particules par le ruissellement

L'eau ruisselle sur le sol sous forme d'une lame d'eau, de filets diffus ou d'un écoulement concentré. Elle exerce sur le sol une force de cisaillement qui arrache les particules puis les transporte. Les conditions d'arrachement, de transport et finalement de dépôt dépendent de la vitesse du courant et de la taille des particules. il existe ainsi pour un sol donné une vitesse critique d'arrachement et une vitesse limite au-dessous de laquelle les particules sédimentent. L'érosion se fait en nappe (érosion aréolaire) dans le cas de ruissellement diffus; l'arrachement des particules est sélectif, il est produit par le splash sur l'ensemble de la surface, le transport est faible et le dépôt proche sous forme de colluvionnement. L'érosion en rigoles apparaît lorsque le ruissellement se concentre et acquiert un pouvoir d'arrachement suffisant pour mobiliser localement l'ensemble des particules. Il se forme d'abord de simples griffures, puis des rigoles décimétriques qui peuvent évoluer en ravines métriques.

* Les facteurs favorables

En plus des facteurs favorisant le ruissellement, l'entraînement des particules du sol est facilitée par les caractères du sol comme sa texture, sa minéralogie et la matière organique qu'il contient. Les sols limoneux et limono-sableux sont les plus sensible à l'érosion, alors que les sols argileux plus fins résistent mieux à l'action du cisaillement par l'eau de ruissellement. Les sols de granulométrie grossière sont peu érodés du fait de la masse importante des particules ou de la stabilité des agrégats.  Le détachement des particules est important pour des tailles de grains compris entre 63 et 250 µm. La stabilité des agrégats maintient la structure du sol et s'oppose à l'érosion. Les argiles gonflantes comme les smectites diminuent la résistance des agrégats, la matière organique favorise au contraire l'agrégation des particules et l'infiltration.

UNIVERSAL SOIL LOSS EQUATION
A = R.K.L.S.C.P
  • A= perte de sol
  • R= facteur d'érosivité des pluies
  • K= sensibilité du sol à l'érosion
  • L= longueur de la pente
  • S= inclinaison de la pente
  • C= couverture du sol
  • P= mesures de protection du sol

TABLEAU 3: Erosion d'un sol d'après la formule de WICHMEIER

3 L'action de l'homme

Les aménagements routiers et urbains qui augmentent les surfaces imperméables favorisent le ruissellement. Si des mesures apropriées ne sont pas prises pour le gérer, ces eaux de surface contribueront à l'entraînement du sol. Le coefficient de ruissellement en zone urbaine et sur chaussée goudronnée dépasse généralement eacute;passe généralement 90%. Mais ce sont les transformations récentes de l'agriculture dans nos régions qui ont accéléré l'érosion des sols.

Le remembrement qui s'est intensifié dans les années 60 aboutit à l'augmentaton de la taille des parcelles et corrélativement à la suppression des haies, des talus et des fossés. Les prairies  (Surfaces Toujours en Herbe) sont en régression au profit des terres labourées (conséquence de l'augmentation de la production des vaches laitières et des quotas laitier). Les cultures de printemps, encouragées par les subventions, se généralisent (tournesol, maïs, betterave). L'emploi de produits phyto-sanitaires s'intensifie et les rendements à l'hectare s'envolent (pour le blé, le rendement de 100 quintaux à l'hectare est dépassé). La reconquête de terrains pentus pour le développement de la vigne (Champagne). La destruction des plantes adventices par les herbicides laisse le sol à nu entre les plants cultivés.

La modification des méthodes de travail du sol par la mécanisation augmente les risques d'érosion. Le travail du sol est plus profond, le labour se fait dans le sens de la pente, le sol est tassé par le poids des engins de plus en plus volumineux, une semelle de labour compacte et peu perméable se forme en profondeur sur laquelle peut apparaître un ruissellement profond (« hypodermique »). La multiplication des façons culturales affine éxagérément de sol qui est beaucoup plus vulnérable à l'entraînement.

La fertilisation par engrais minéraux au dépend de fumure organique augmente le rendement immédiat mais déstructure peu à peu le sol. La teneur du sol en matière organique diminue (elle est passé de 3% à 2% en 20 ans), les agrégats sont moins stables et sont plus facilement dispersés par les pluies. La diminution de la teneur en matière organique et l'utilisation de produits phyto-sanitaires (défanants, pesticides...) entraîne une diminution corrélative de l'activité biologique du sol. Les lombrics, moins nombreux, n'assurent plus le « labour biologique » assurant l'homogénéisation et l'aération du sol alors que la formation des croûtes de battance est favorisée.

4 Les dégâts causés par l'érosion des sols

A coté des dégâts bien visibles concernant les terres cultivées, il existe des dégâts en aval beaucoup plus insidieux provoqué par l'augmentation du ruissellement et l'entraînement des particules du sol.

* Dégats ressortant des « catastrophes naturelles »

On peut ranger ici les coulées de boues, inondations,  sapement de chaussées, colmatage des réseaux d'assainissement et des ouvrages de retenue des eaux pluviales, envasement des cours d'eau...

* Dégradation de la qualité des eaux

Les eaux de ruissellement alimentent les rivières qui se chargent en M.E.S. L'augmentation de la turbidité des eaux modifie l'équilibre trophique et peut même entraîner l'asphyxie des poissons. L'envasement a un effet négatif sur le développement des alevins. Le lit de la rivière peut être colmaté et l'échange avec la nappe alluviale interrompue.

L'entraînement des particules de sols dans les eaux superficielles s'accompagne également de celui des intrants agricoles ( engrais, pesticides) et des polluants d'origine industrielle, urbaine, routière. L'apport d'azote et de phosphore provoque l'eutrophisation de la rivière (ou de la zone littorale). L'impact écologique des produits phyto-sanitaires est reconnu mais plus difficile à évaluer du fait de la multiplicité de ces substances et de leur large spectre d'action. Les métaux lourds sont également transportés par les eaux de ruissellement.

5 Les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols

* Amélioration de la structure du sol (Soltner, 1992)

Renforcer la résistance du sol à l'entrainement par l'eau et le vent en améliorant la stabilité de sa structure par des amendements humifères et des amendements calcaires qui stabilisent les complexes argilo-humiques.

Augmenter la perméabilité du sol, donc diminuer le ruissellement, par un travail approprié du sol:

  • créer des fissures dans les sols tassés
  • incorporer de la matière organique
  • stabiliser les complexes argilo-humiques (amendements)
  • assurer une rotation des cultures qui ont des systèmes racinaires et des résidus organiques différents.

Eviter:

  • un travail excessif du sol qui provoque un émiettage trop fin et favorise la battance dans les sols limoneux
  • le tassement du sol par le passage répété des engins agricoles.
Type de culture Ruissellement (%) Perte en terre (Tonne/ha/an)
Jachère labourée 30,3 41,1
Maïs 29,4 19,7
Blé 23,3 10,1
Maïs, blé, trèfle en rotation 13,8 2,8
Blue grass en continu 12 0,3

TABLEAU 4: influence du type de culture sur le ruissellement et la perte en terre sur un pente à 5% (inspiré de SOLTNER).

* Création d'obstacles au ruisellement

Couverture permanente du sol

La végétation protège le sol de l'impact des gouttes de pluies, elle ralentit les filets d'eau superficiels et favorise ainsi l'infiltration. La couverture végétale peut être faite de végétaux vivants ou morts.

  • couverture vivante: les cultures d'hiver évitent de laisser le sol à nu après le labour; il peut s'agir de culture dont le cycle végétatif commence à la fin de l'automne (blé d'hiver) ou de cultures spécifiques qui seront labourées au printemps et enfouies comme engrais vert (ray grass).
  • Débris végétaux: les pailles, les cannes de maïs, peuvent être incorporées superficiellement (mulching). Les fragments de rameaux produits par la taille de la vigne sont laissés sur le sol.

Rideaux

Un rideau se forme à la limite d'un champ en pente quand le labour est fait parallèlement à cette limite. Des broussailles, puis des arbres y poussent et s'opposent au ruissellement et à l'entraînement du sol.

Banquettes

Ce sont des levées de terre de faible hauteur (0,50 m) établies selon les courbes de niveau; elles sont généralement enherbées.

Figure 6: Rideaux et banquettes
Figure 6: Rideaux et banquettes

Levées de terre: ce sont des banquettes plus importantes (jusqu'à 1,80 m de hauteur); elles sont plantées d'arbres.

Fossés de protection

Ces fossés sont creusés en amont du terrain à protéger pour intercepter les eaux de ruissellement. Ils sont enherbés. Ils débouchent dans un exutoire adéquat.

Captation des eaux de ruissellement

Les exutoires servent à recueillir les eaux de ruissellement apportées par les ouvrages de canalisation.

Exutoires naturels: ce sont des prairies permanentes installées dans des dépressions pouvant être fauchées ou pâturées, des bois ou taillis sur pente faible composés d'espèces à fort pouvoir de pompage (peupliers, saules...), des petits ravins à couvert végétal...

Exutoires artificiels: larges fossés engazonnés, bassins de rétention ...