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Détérioration de la qualité de des eaux souterraines

La qualité naturelle des eaux souterraines peut être altérée par l'activité humaine. La détérioration de la qualité de l'eau est appréciée par mesures des paramètres physico-chimiques et bactériologiques. Dans le cas d'une détérioration jugée importante, l'eau ne sera plus considérée comme potable pour la consommation humaine. Elle pourra être telle quelle utilisée à d'autres fins (irrigation...) ou devra subir un traitement appropriée pour retrouver sa potabilité. L'eau des nappes n'est donc pas à l'abri de la pollution et l'auto-épuration naturelle n'est pas complète dans toutes les nappes et vis-à-vis de certaines substances.

1 Vulnérabilité des nappes à la pollution.

La vulnérabilité dépend du type de nappe, libre ou captive, et du mode de circulation de l'eau dans l'aquifère. Les nappes libre sont les plus vulnérables: les polluants d'origine superficielle peuvent diffuser librement dans le sol et la zone non saturée jusqu'au niveau pièzométrique; d'autre part, la fluctuation verticale saisonnière du niveau piézométrique aboutit à 'rincer' les particules de la zones non saturée et entraîner les substances qui y sont adsorbées. Les nappes captives en revanche sont mieux protégées par les couches imperméables qui les surmontent. Leur alimentation en eau superficielle est plus circonscrite, donc plus aisée à protéger. Leur pollution apparaît lorsque le niveau protecteur imperméable est percé par un ouvrage (ancien forage, fouille profonde...) Enfin, la percolation de l'eau dans un milieu poreux peut produire une fixation des substances sur les particules et donc une épuration de l'eau. Ce phénomène n'existe pas dans les milieux fissurés où la circulation est bien plus rapide.

Figure 1: Causes possibles de pollution de la nappe de la craie
Figure 1: Causes possibles de pollution de la nappe de la craie

Pour atteindre une nappe libre en milieux poreux, les polluants transportés par les eaux d'infiltration doivent franchir de nombreux obstacles:

* le sol

L'activité chimique et microbiologique est intense (oxydation, réduction...) De nombreux corps sont modifiés chimiquement, les polluants organiques peuvent être métabolisés et minéralisés. Néanmoins, cette biodégradation peut aboutir à des métabolites au moins aussi toxiques que les polluants d'origine. Les complexes argilo-humiques peuvent fixer de nombreux corps minéraux et organiques par adsorption.

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* la zone non saturée

Comme le sol, elle joue un rôle dans la filtration et la rétention de certaines substances. Cette action est d'autant plus efficace que la granulométrie est plus faible.

* la zone saturée

La filtration se poursuit dans le milieu poreux de la nappe; le polluant est diluée dans la masse d'eau.

On voit que la protection de la nappe sera d'autant meilleure que le sol et la zone non saturée sont épais, que leur granulométrie est fine, que la vitesse de percolation de l'eau dans la nappe est faible. En revanche, ce type de nappe une fois contaminée par un polluant le reste longtemps.

Dans les nappes libres en milieu fissuré, la vulnérabilité à la pollution dépend de leur recouvrement. Les aquifères en terrains anciens (granites, schistes...) sont généralement recouverts par des formations meubles d'altération qui jouent le rôle de filtre. Ces matériaux meubles peuvent d'ailleurs remplir les fissures de la roches et prolonger ainsi leur action de protection. Il n'en est pas de même dans les aquifères calcaires: les polluants s'infiltrent dans les fissures, y circulent rapidement et réapparaissent en l'état dans les sources et les forages. La pollution apparaît sous forme de pics de courte durée; elle disparaît rapidement si l'apport de polluant cesse.

Les nappes alluviales sont en connexion hydraulique avec le cours d'eau; la qualité de leur eau dépend de celle de la rivière. Comme pour le sol, les matériaux couvrant le fond de la rivière jouent le rôle de filtre. En Picardie, ces nappes sont également soutenues par l'apport des eaux de la nappe de la craie qui influent sur leur qualité. Ces nappes sont particulièrement vulnérables: elles sont de faible étendue, dans des lieux d'urbanisation et d'industrialisation où les sources de pollution sont nombreuses (villes, routes, exploitation des granulats...)

Dans tous les cas, la pollution des eaux souterraines est favorisées par certains aménagementset pratiques:

* interventions qui favorisent l'infiltration dans la nappe: forages de puits sans précaution, ouverture de gravières, puits perdus pour infiltrer les eaux usées...

* mauvaise gestion des eaux de ruissellement, suite à l'imperméabilisation des surfaces (ville, routes), aux drainage agricole, et des eaux usées.

* modification des pratiques agricoles: remplacement de la prairie par des cultures intensives (remembrement, suppression des haies, du bocage, sols à nu pendant l'hiver). En 25 ans, la surface de la prairie bretonne a été réduite de moitié au profit du maïs fourrage gourmand en herbicides mais exportant peu d'azote et laissant le sol nu pendant l'hiver.

* élevages intensifs 'hors sol', nourris de farines de soja ou animales et de maïs fourrage, produisant une accumulation locale d'excréments difficiles à gérer.

2 Principaux types et origine des pollutions (voir aussi le chapitre suivant)

a) Pollution temporaire et pollution chronique

L'émission exceptionnelle de matière polluante à la suite d'un incident (mauvaise manoeuvre en usine, accident de la circulation...) peut entraîner un transfert à la nappe et sa pollution dont la durée dépend de son pouvoir d'auto-épuration et de sa vitesse de percolation .

Les pollutions chroniques sont plus insidieuses et dommageables; moins spectaculaires, elles peuvent passer inaperçues (pollution agricole par les nitrates; contaminations par hydrocarbures à partir de sols pollués).

b) Pollution ponctuelle et pollution diffuse

Le polluant émis sur une faible surface n'affectera qu'un secteur limité de la nappe, qui pourra s'étendre par diffusion. Seuls les captages à proximité de la zone polluée et en aval seront affectés. selon la densité et la solubilité du polluant, la zone polluée sera circonscrite ou diffuse, à la surface ou à l'intérieur de la nappe.

L'épandage de produits polluants sur une grande surface en revanche affecte l'ensemble de la nappe; elles sont de plus souvent chroniques et déclasse l'ensemble de la nappe pour la production d'eau potable, à moins de traitements adaptés (cas ces pollutions agricoles par pesticides).

c) Pollution linéaire

Elle accompagne le trajet des routes et autoroutes, des canaux, des cours d'eau, des voies ferrées.

d) Pollutions historiques

De nombreuses zones polluées l'ont été à une époque où les préoccupations environnementales étaient inconnues ou sommaires: pollution par les terrils de mines, les décharges non contrôlées...

e) Origine de la pollution

* origine domestique

Dans le cas d'un assainissement, collectif ou individuel, défectueux, des substances indésirables contenues dans les eaux vannes et les eaux ménagères peuvent être transférées à la nappe (matières organiques, détergents, solvants, antibiotiques, micro-organismes...) Le cas se produit avec les puits perdus, l'assainissement individuel avec infiltration dans le sol mal conçue ou mal dimensionnée, les stations d'épuration urbaines surchargées... Les ordures ménagères accumulées dans des décharges sauvages ou non mises à la norme (centre d'enfouissement technique) libèrent également des lixiviats riches en polluants.

* origine industrielle

Les polluants d'origine industrielle sont trés variés selon le type d'activité: substances organiques banales, produits organiques de synthèse, hydrocarbures, sels minéraux, métaux lourds...Les pollutions sont exceptionnelles (incident dans un process) mais encore trop souvent chroniques (fuite de réservoirs, de canalisations...) Un cas particulier est celui des exploitations minières. L'extraction des granulats en plaine alluviale met en contact l'eau de la nappe avec les polluants éventuels.

* origine agricole

La pollution est étendue dans l'espace et dans le temps; elle est chronique et concerne de grandes surfaces. En effet, les pratiques actuelles des cultures et de l'élevage influencent fortement le régime et la qualité des eaux. 'L'utilisation masive des engrais et des produits chimiques de traitement des plantes détruit la vie dans les rivières et rend impropres à la consommation humaine, et parfois animale, les eaux superficielles et souterraines' (La Lettre Eau, 1998), alors que les professionnels agricoles ont longtemps nié l'impact de leur activité sur la qualité de l'eau et refusé la moindre contrainte (influence du fameux 'lobby agricole' et de la première place de l'agro-alimentaire dans les exportations françaises.) Le transfert des engrais et pesticides à la nappe se fait soit par infiltration sur l'ensemble de la surface cultivée, soit par rejet dans des puits perdus, des gouffres et bétoires. La pratique de l'irrigation accélère le transfert. Une pollution ponctuelle commune est fournie par les eaux de rinçages des récipients et appareils d'épandage. L'épandage des boues de stations d'épuration pose problème par leur charge possible en métaux lourds et germes, en plus de leur richesse en azote résiduelle après culture.

Les élevages intensifs de porcs, bovins et volailles produisent une grande quantité de déjections azotées qui doit être stockées en réservoirs étanches avant d'être utilisée comme engrais (ou comme aliments...) Les lisiers sont responsables de la charge en nitrates des nappes de Bretagne.

* origine urbaine et routière

Les risques de pollution apparaissent à la construction des réseaux routiers puis à leur exploitation (salage en hiver, hydrocarbures, métaux lourds libérés par les véhicules, substances dangereuses échappées par accident...) En ville, on trouve, en plus des polluants de la voirie, la contamination possible des nappes par les eaux usées (raccordement incomplet ou défectueux, mauvais état des réseaux, surcharge ou mauvais fonctionnement des Stations d'épuration, en particulier absence de traitement tertiaire) par les fuites de cuves de carburants (essence, fioule), par les cimetières.

L'imperméabilisation des surfaces (routes, rues, parkings, toits) produit une forte quantité d'eau de ruissellement chargée en produits polluants divers( hydrocarbures, déjections d'animaux...) Ces eaux pluviales polluées ne doivent en aucun cas être transférées à la nappe.

* injection de produits toxiques dans le sous-sol

Cette méthode est utilisée aux U.S.A. pour se débarasser de produits indésirables. Les risques de pollution des nappes profondes sont grands. En France, la méthode d'injection n'est utilisée que pour stocker le gaz.

3 La pollution minérale

* Composés azotés

L'eau d'une nappe ne contient naturellement pas de composés azotés: ceux-ci, provenant de la décomposition de la matière vivante par les micro-organismes; sont minéralisés en azote gazeux ou restent en faible quantité dans le sol. C'est l'augmentation artificielle de la quantité d'azote combiné disponible dans le sol qui crée un déséquilibre entre l'apport et la consommation et produit un excès d'azote qui est finalement entraîné vers la nappe. Cet azote se trouve sous forme de nitrates et d'ammonium.

Figure 2: Teneurs en nitrate des eaux destinées à la consommation en Picardie (moyenne en 1996), d'après un document de la DRASS de Picardie
Figure 2: Teneurs en nitrate des eaux destinées à la consommation en Picardie (moyenne en 1996), d'après un document de la DRASS de Picardie
Figure 3: variation de la teneur en nitrate d'une eau souterraine en fonction des pratiques culturales
Figure 3: variation de la teneur en nitrate d'une eau souterraine en fonction des pratiques culturales

* métaux

La pollution par composés métalliques est généralement d'origine industrielle mais elle peut également provenir de la lixiviation des déchets solides ménagers. Des métaux ne produisent que des inconvénients d'aspect ou de goût (Fer, zinc, manganèse...); l'eau doit être traitée pour être potable, ou utilisée en l'état pour d'autres usages. Les métaux lourds, comme le Mercure, le Cadmium, le Plomb, le Chrome, sont toxiques et rendent l'eau inutilisable pour l'usage domestique et l'agriculture.

* autres corps

De nombreux corps minéraux , toxiques ou non, produits par l'industrie et utilisés par l'agriculture peuvent être des polluants ponctuels des nappes: chlorures, sulfates, cyanures, sels d'arsenic... En Alsace, l'exploitation de la potasse a produit la pollution par les chlorures et les sulfates de l'eau des nappes. Les activités d'une usine chimique à Chauny (Aisne) depuis 1820 jusqu'à 1985 a laissé un sol pollué à forte teneur de chrome, cadmium, cuivre, plomb et arsenic interdisant tout exploitation de la nappe sous-jacente.

4 La pollution organique

* produits de dégradation de la matière vivante

La décomposition de la matière organique par les micro-organismes libère des nitrites, nitrates, ammonium, méthane et hydrogène sulfuré; la matière organique résiduelle persistant dans l'eau constitue un milieu favorable au développement des germes qui peuvent être pathogènes.

* hydrocarbures

La contamination de la nappe est généralement accidentelle (fuite de cuve d'essence, de mazout, rupture de canalisation...) Les hydrocarbures légers, non miscibles à l'eau, s'étendent à la surface de la nappe; ils confèrent à l'eau un goût caractéristique même à trés faible teneur qui la rend imbuvable. Les hydocarbures lourds se rassemblent à la base de la nappe; ils diffusent moins.

* substances de synthèse

Les détergents sont en général biodégradés dans le sol ou adsorbés sur les argiles. Certains atteignent la nappe à partir des puisards ou à partir des rivières polluées dans les nappes alluviales. Leur toxicité est faible mais en tant que produits mouillants ils favorisent la dispersion d'autres produits indésirables comme les pesticides.

Les pesticides sont en partie métabolisés ou retenus dans le sol et dans la zone non saturée. Leur transfert à la nappe est faible. Les plus fréquents sont deux herbicides, l'atrazine et la simazine, employés à forte dose dans les cultures de maïs. Les fortes teneurs sont dûes à des pollutions ponctuelles: produits de rinçage des cuves rejeté dans un puits, fuite d'une citerne...)

Les polychlorobiphényles (PCB) et les phtalates se retrouvent rarement dans les nappes. Les solvants chlorés (trichloréthylène, tétrachloréthylène, tétrachlorure de carbone) sont peu biodégradables et peu retenus dans le sol: leur transfert à la nappe est donc aisé. Ce type de pollution est observée dans les zones urbaines et industrielles et dans les décharges non contrôlées.

5 La pollution microbiologique

Les micro-organismes sont peu nombreux dans les eaux de nappe du fait des conditions généralement anaérobies et des faibles quantités de nutriments disponibles. Le transfert de matière organique dans la nappe favorise leur prolifération. Les milieux fissurés, surtout karstiques, présentent des conditions favorables à la survie et la multiplication des germes: pénétration facile de matière organique, conditions aérobies, pas de filtration. Les germes pathogènes sont généralement associés aux coliformes et streptocoques fécaux: la présence de ces derniers indique une pollution par les eaux vannes, les eaux de station d'épuration, les rejets d'élevages industriels... et la possibilité d'occurence de germes pathogènes.